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Gagner la guerre - Jean-Philippe Jaworski

La première fois où j'ai entendu parler de ce livre, c'était lors des Imaginales 2012. Il n'a pas fait partie de mes achats à ce moment là, mais avait déjà retenu mon attention. Il a suffit qu'on me le recommande peu de temps après, pour que je décide de m'y plonger. Merci Rémi pour cette découverte :)

L'auteur :
Jean-Philippe Jaworski est un auteur français. Professeur de lettres modernes à Nancy, il est passionné de jeux de rôles. Publié pour la première fois en 2007, son recueil de nouvelles de fantasy, Janua Vera, reçoit un très bon accueil et dévoile l'univers dans lequel prendra place l'histoire de Gagner la guerre. Paru en 2009, ce livre remporte le prix du roman francophone aux Imaginales.

Résumé :
Au bout de dix heures de combat, quand j’ai vu la flotte du Chah flamber d’un bout à l’autre de l’horizon, je me suis dit : « Benvenuto, mon fagot, t’as encore tiré tes os d’un rude merdier. » Sous le commandement de mon patron, le podestat Leonide Ducatore, les galères de la République de Ciudalia venaient d’écraser les escadres du Sublime Souverain de Ressine. La victoire était arrachée, et je croyais que le gros de la tourmente était passé. Je me gourais sévère. Gagner une guerre, c’est bien joli, mais quand il faut partager le butin entre les vainqueurs, et quand ces triomphateurs sont des nobles pourris d’orgueil et d’ambition, le coup de grâce infligé à l’ennemi n’est qu’un amuse-gueule. C’est la curée qui commence. On en vient à regretter les bonnes vieilles batailles rangées et les tueries codifiées selon l’art militaire. Désormais, pour rafler le pactole, c’est au sein de la famille qu’on sort les couteaux. Et il se trouve que les couteaux, justement, c’est plutôt mon rayon…

Fantasy / 981 pages / éditions Folio SF (fantasy)

Mon avis :
Je n'irai pas par quatre chemins, ce livre est un énorme coup de cœur pour moi. Un très bon cru de fantasy, qui plus est, écrit par un écrivain français. Ils sont encore trop rares dans le paysage de la fantasy et méritent vraiment d'être plus connus. Ne vous laissez pas impressionner par l'épaisseur du livre, une fois dans l'histoire, il se lit vraiment tout seul. À tel point, qu'à 200 pages de la fin, je me sentais déjà nostalgique et c'est avec regret que j'ai quitté ses personnages.

Benvenuto Gesufal est un assassin de la guilde des Chuchoteurs, à la solde du premier magistrat de la République. Embarqué sur un navire en plein conflit contre un royaume voisin, il s'apprête à remplir un contrat. Mais les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu, notre homme n'a pas le pied marin et la galère est prise en chasse par l'ennemi. Reverra-t-il Ciudalia, cette ville aussi attirante que dangereuse, et quel accueil lui sera-t-il réservé à son retour ?

Dès les premières lignes, j'ai adhéré à l'écriture de Jean-Philippe Jaworski. Il est vrai qu'il faut un petit temps d'adaptation, car le langage est recherché et de nombreux termes qu'il emploie sont spécifiques à navigation et à la guerre. Mais cela ne fait que renforcer la crédibilité du récit et le rend complètement immersif. On est plongé dans un autre temps, un autre univers. Par contre, ce qui m'a donné plus de fil à retordre, c'était d'assimiler les noms et prénoms des personnages. Ils sont relativement nombreux et leur sonorité se ressemble beaucoup. Il vaut mieux être attentif.

Benvenuto est un personnage haut en couleur, que j'ai vraiment adoré. Narrateur de l'histoire, il fait preuve d'une grande éloquence, tout en maniant avec brio le langage fleuri des bas quartiers. Très sarcastique (si vous me suivez un peu, vous devez savoir à quel point j'adore ce genre de caractère), il ne se prive pas pour nous servir des répliques truculentes et son humour au vitriol. À plusieurs reprises, il s'adresse directement au lecteur en faisant allusion à une motivation cachée derrière le divertissement que nous procure son histoire. Voilà un personnage qui sait se rendre paradoxalement attachant, même lorsqu'il est détestable.

Autre paradoxe, moi qui ne suis pas particulièrement férue de politique dans la vie réelle (euphémisme inside), c'est une dimension qui me plait beaucoup dans la fantasy et la SF. Ici, il est question d'une civilisation dont le régime politique est en apparence louable, mais qui est régi par des hommes pourris jusqu'à la moelle. Tous sont corrompus et il est difficile de savoir à qui accorder sa confiance, puisque chacun ne sert que ses propres intérêts avant tout. Autant de duplicité, vous vous en doutez, fait naître de beaux retournements de situation et une histoire loin d'être linéaire.

Dans le cas de Benvenuto, être le pantin de tels personnages n'a rien d'enviable, mais on se rend rapidement compte que personne n'est épargné. Même les puissants se retrouvent finalement esclaves : de leur gloire, de leur orgueil, de leur honneur et de Ciudalia. Rares sont les cœurs qui échappent à l'emprise de cette ville.

Pour conclure :
Si vous aimez la fantasy, je ne peux que vous recommander ce livre. L'écriture y est riche, le personnage principal difficilement égalable et l'intrigue vraiment prenante. Je n'ai pas été déçue du voyage ! Vivement le prochain livre de l'auteur.


Une citation sur Ciudalia :
Toute la troupe s'arrêta un moment, et je réalisai, au flottement presque religieux qui s'empara des cavaliers, que nombre de sergents et d'écuyers n'avaient encore jamais vu la mer.[...] 

Moi, je n'avais d'yeux que pour la ville.

Élégamment accolée à la côte mais corsetée en ses remparts dentelés, cambrée de toutes ses tours et de tous ses palais, Ciudalia trônait sur le bord du continent. Plus fière que jamais, elle faisait mentir tous les bruits de désastre. Il suffisait de la contempler, la garce splendide, serrée dans ses jupons de pierre et ses corsages de marbre, pour saisir le fin mot de la terrible affaire où nous sombrions tous. C'était une croqueuse d'hommes. [...] La catastrophe qui nous menaçait, ces émeutes dans le port, ces batailles rangés dans les rues, ces cadavres jetés au ruisseau, ces balcons transformés en gibets, ces clameurs de haine et ces odeurs de mort : tout cela était l'encens qui flattait la superbe de la vieille patrie. Il fallait qu'on crève pour complaire sa coquetterie. Elle empoisonnait ses propres enfants avec un amour dénaturé, elle semait en eux une jalousie et une concupiscence fratricides, elle ne les élevait dans le culte de sa propre beauté que pour mieux les dévorer.




2 commentaires:

BlackWolf a dit…

J'ai moi aussi passé un excellent moment avec ce livre. Un one shot en fantasy prenant et soigné qui mérite vraiment d'être lu. Content qu'il t'ait plu.

E a dit…

:) je suis contente de voir qu'il rencontre son petit succès auprès de toi aussi.

As-tu lu Janua Vera ?

Merci pour ton passage ici !

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