L'auteur :
Paolo Bacigalupi est un auteur de science-fiction américain. À quarante ans, il fait beaucoup parler de lui, notamment grâce à son roman La Fille automate, pour lequel il a obtenu de nombreux prix (Hugo du meilleur roman 2010, Locus du meilleur premier roman 2010, John Wood Campbell Memorial 2010, Nebula du meilleur roman 2009). Sensibilisé à l'écologie depuis son enfance, il travailla pour le site web de High country news (un magazine traitant de la nature et de l’environnement), dont les articles lui inspirèrent les intrigues de ses écrits.
Dans un futur proche où le tarissement des énergies fossiles a radicalement modifié la géopolitique mondiale, la maîtrise de la bio-ingénierie est devenue le nerf d'une guerre industrielle sans merci. Anderson Lake travaille à Bangkok pour le compte d'un géant américain de l'agroalimentaire. Il arpente les marchés à la recherche de souches locales au cœur de bien des enjeux. Son chemin croise celui d'Emiko, la fille automate, une créature étrange et belle, créée de toutes pièces pour satisfaire les caprices décadents des puissants qui la possèdent, mais désormais sans plus d'attaches.
Science-fiction / 639 pages / éditions J'ai Lu
Mon avis :
S'il y en a qui pensent encore que la SF n'est faite que pour les geeks collectionnant les figurines Star Wars (dans leur emballage d'origine), dotés d'une maîtrise en Klingon et faisant corps et âme avec leur pc/mac... vous vous trompez lourdement. Non, SF ne veut pas forcément dire petits aliens, mécanique quantique ou histoires qui se déroulent à 10 millions d'années-lumière de notre planète. La Fille automate en est le parfait exemple.
Il s'agit d'un roman d'anticipation qui se déroule dans un futur proche (trop proche), en Thaïlande. Pas de technologie alien à l'horizon, seulement l'évolution et les déviances de nos propres découvertes scientifiques en génie génétique. La montée des eaux, le réchauffement climatique, les pandémies touchant la population, la faune et la flore, menacent la pérennité de notre espèce. Sans compter la folie des hommes, qui essayent de conserver dans tout cela un semblant de pouvoir ou de richesse. Anderson est un entrepreneur américain, mandaté par une des grandes compagnies spécialisées en biotechnologie végétale, pour remplacer un homologue à la tête d'une fabrique de piles. Mais sous cette couverture se cache un enjeu bien plus grand.
La situation géopolitique n'a pas changé. Les pays du nord sont toujours les plus riches. Ceux qui possèdent l'énergie dominent. La richesse se compte désormais en calories. La survie se négocie à coup de brevets. Bangkok est assiégée de toutes parts par la puissance de l'eau, des épidémies en constante mutation, mais aussi par celle des compagnies agroalimentaires étrangères. Elles veulent imposer à tous leurs cultures génétiquement modifiées, résistantes aux maladies, mais stériles, privant ainsi le pays de son indépendance. Vous l'aurez compris, ce livre nous propose un univers tristement réaliste et très très riche, qui demande beaucoup d'attention pour s'y plonger. Mais vos efforts seront vite récompensés, tant cette histoire est immersive.
L'auteur nous propose une écriture dénuée d'artifices, crue, parfois violente. À la manière d'un journaliste, il s'en tient aux faits. Il faut avoir le cœur bien accroché pendant certaines scènes. Les thèmes qu'il aborde sont angoissants, bien trop tangibles. Impossible de ne pas penser à Monsanto et ses semblables, lorsqu'il nous dépeint les agissements et les enjeux de ces compagnies. Le reflet d'un avenir qui fait vraiment froid dans le dos.
L'histoire n'est pas comme je m'y attendais, centrée sur un personnage en particulier. Anderson est certes le premier que l'on découvre, mais on suit l'évolution de nombreux personnages : Hock Seng, vieux réfugié politique chinois, assistant Anderson à l'usine ; Mai, jeune ouvrière pour qui Hock Seng se prend d'affection ; Jaidee, capitaine incorruptible des chemises blanches, sorte de police écologique redoutée ; Kanya, son second, une jeune femme qui ne sourit jamais ; Emiko, la fille du Nouveau Peuple créé par les japonais, la servitude inscrite dans ses gènes, abandonnée en Thaïlande par son propriétaire, faisant d'elle une clandestine.
La fin peut être surprenante, car elle reste très ouverte. Mais je n'arrive pas à l'imaginer autrement. Après la chute, nous voilà à nouveau à l'aube d'une ère nouvelle.
Pour conclure :
La Fille automate est un roman dont on ne sort pas indemne. Une écriture sans concession, une histoire marquante, nous renvoyant en pleine figure notre propre existence (qui pourrait bien nous précipiter vers ce même destin). Tout est fait pour placer le lecteur au centre de cette histoire. Une véritable prise de conscience sur notre réalité, à travers une fiction.
Voilà pourquoi on devrait tous lire un peu de SF :)
Ma note : 18 / 20